B comme Berceau emblème du MLB, Mouvement de Libération des Bébés
Si le MLB – Mouvement de Libération des Bébés – existait, le berceau à bascule en serait l’étendard. C’est en effet grâce à ce dodo privé que les bébés ont pu quitter et leur panoplie de momie engoncée et le lit familial déjà trop peuplé. Si les normes ont changé et si les berceaux anciens ne sont plus homologués, ils constituent la trace d’un progrès majeur dans la compréhension et le respect des bébés, que nous allons ici vous raconter.
Sans remonter à la Préhistoire et aux Âges prétendument farouches, qui l’étaient certainement bien moins que les barbaries modernes qui resurgissent, le berceau symbolise le basculement de notre perception de la nature même des enfants, survenu à l’aube de la Révolution française.
Sous l'Ancien Régime, les bébés sont comme momifiés vivants...
Sous l’Ancien Régime – depuis l’accession au trône d’Henri IV en 1589 et jusqu’à la Révolution française en 1789 – l’enfant exposé à une forte mortalité doit tout simplement être remplacé s’il ne survit pas. Pour pouvoir facilement les tenir au chaud et les transporter, les bébés sont emmaillotés dans des tissus serrés qui leur donnent cet aspect de momie miniaturisée, comme sur la célèbre toile de George De La Tour « L’Adoration des bergers » peinte en 1645.
Sur le plan symbolique, l’emmaillotement répond à la nécessité édictée par la religion catholique de sortir l’enfant de l’animalité pour le tirer vers l’humanité, en le préparant à être bien droit et debout.
Ce refus en filigrane de notre appartenance au monde animal pose de sérieux problèmes d’hygiène. Les bébés sont très rarement démaillotés, et pire encore, l’urine étant à cette époque considérée comme un remède notamment contre les plaies, les langes ne sont pas lavés, juste séchés.
Cette pratique généralisée dans toute les strates de la société augmente gravement le risque de mortalité infantile, même lorsqu’on naît dans une famille aisée.
C’est une des façons dont on peut interpréter cette splendide toile d’Élisabeth Vigée Le Brun représentant « Marie-Antoinette et ses enfants ». On y voit le jeune Dauphin Louis désigner le berceau vide de sa petite sœur prématurément décédée. La petite « Madame Sophie » que sa mère adorait et surnommait « mon fol amour » n’aura pas survécu une année.
La famille nucléaire une invention très récente
Ce qu’on appelle la famille nucléaire, parents et enfants vivant sous le même toit, cette formule qui nous semble évidente et naturelle, n’est devenue la cellule de base de nos sociétés qu’au XIXᵉ siècle. Sous l’impulsion de philosophes comme Jean-Jacques Rousseau qui publie en 1762 « Émile ou de l’éducation », une plus grande attention est accordée à l’éducation et à la santé des enfants.
Il faut noter, même si cela semble paradoxal, que notre bon Rousseau avait lui-même abandonné ses cinq enfants sans vergogne et comprendre qu’une telle pratique était absolument courante et admise jusqu’à la fin du XVIIIᵉ siècle.
Ce sont ses écrits qui restent et comme le souligne si justement Élisabeth Badinter : « Rousseau, avec la publication de « l’Émile », cristallise les idées nouvelles et donne le coup d’envoi de la famille moderne, c’est-à-dire la famille fondée sur l’amour maternel. »
Cette tendresse de chaque instant, valorisée dorénavant, est clairement perceptible sur ce portrait de mère et fille « Madame Vigée Le Brun et sa fille », peint en 1786 par la mère elle-même, de son nom de naissance Louise-Élisabeth Vigée.
À bas les maillots, vivent les berceaux !
En Occident, la pratique de l’emmaillotement est très fortement critiquée à partir du XVIIIᵉ siècle, notamment en raison de ses effets néfastes sur la santé.
Dans la foulée au XIXᵉ siècle, pour définitivement bannir la cohabitation au sein du même lit entre parents et enfants propice aux risques d’étouffement des nouveau-nés, les berceaux vont investir progressivement tous les foyers. Les berceaux garantissant le bien-être des bébés vont devenir une pièce incontournable et essentielle du mobilier.
À partir des années 1850, la mécanisation des ateliers de menuiserie rendue possible grâce à la force hydraulique développée par les moulins à eau, va permettre à des machines entraînées par des courroies d’opérer le débitage et le façonnage des grumes de bois en pièces à assembler, légères et parfaitement calibrées.
Le style Louis-Philippe
Louis-Philippe Iᵉʳ fut le dernier Roi des Français. Son règne appelée la « Monarchie de Juillet » prit place entre 1830 et 1848, au cœur d’un XIXᵉ siècle particulièrement mouvementé. Cette période sera caractérisée par l’enrichissement rapide de la bourgeoisie manufacturière et financière, au détriment des classes ouvrières maintenues dans une extrême misère. En corollaire, les incessantes révoltes populaires aboutiront à son abdication. Cette dernière monarchie sera remplacée par la Seconde République.
En terme de mobilier, le style Louis-Philippe privilégie le confort, avec ici et là des références aux styles du passé : Renaissance, Gothique, Louis XIII ou encore Rocaille.
On va pouvoir, dans les intérieurs bourgeois, s’accorder un peu de bon temps en se prélassant dans des fauteuils crapaud entièrement couverts de tissu, des fauteuils gondole aux dossiers incurvés et aux accotoirs terminés par de larges involutions, ou encore profiter du confort de fauteuils Voltaire, bas sur pieds et profonds. Dans le même esprit, on se love dans des canapés à deux ou trois places et on s’étend voluptueusement le long des méridiennes.
Les petits plaisirs et missions du quotidien trouvent aussi leur mobilier dédié : commode-toilette, coiffeuse, barbière, table tricoteuse, table de nuit ou de salon, console d’appui, guéridon, meubles à écrire, bureau plat ou de ministre, et bibliothèque font leur apparition. Les bois chauds et sombres sont à la mode. L’acajou, le palissandre et l’ébène, pour les bois exotiques rivalisent avec l’if, la ronce de noyer et le merisier, pour les bois indigènes.
C’est ce merisier duquel sont extraits ces fameux berceaux à bascule ou bercelonnettes aujourd’hui très recherchés.
Berceau, barcelonnette, bercelonnette
Et pour finir nous vous convions à un petit rappel étymologique car, Aux-Rois-Louis, nous aimons être complets.
En 1777, la « barcelonnette » désigne la couverture de laine dont est enveloppé, dans sa corbeille, le nouveau-né. Cette couverture s’est substituée au maillot, depuis la nouvelle éducation adoptée notamment grâce à « l’Émile » de Jean-Jacques Rousseau. Cette appellation provient de Barcelone, la capitale de la Catalogne, réputée au XVIIIᵉ siècle pour la qualité de ses couvertures en laine.
En 1787, un glissement sémantique survient. La barcelonnette désigne dorénavant le berceau lui-même. Le terme lui-même évoluera et pour devenir la « bercelonnette », ou petit berceau, en 1834.
Pas homologué mais drôlement branché !
Aujourd’hui, il est bien clair pour tous que le bébé est une personne qui a déjà reçu quantité d’informations affectives déterminantes pour sa vie entière bien avant de naître.
Et la pratique du bercement systématique – un peu à la façon dont on hypnotise une poule en la faisant tourner la tête coincée sous l’aile – a révélé ses limites, a fortiori dans son excès. Les normes de sécurité pour la hauteur des lits de bébé, l’espacement des barreaux, la façon de vêtir les nouveau-nés en les laissant libres de leurs mouvements, comme tout bébé mammifère normalement constitué, tous ces critères ont grandement évolué. C’est pourquoi il n’est plus question d’utiliser, dans leur fonction initiale, les anciens berceaux à bascule en bois qui ne sont plus adaptés aux nouveau-nés en terme de sécurité.
Pour autant ces berceaux conservent un charme puissant. Ils sont l’expression concrète d’un chapitre historique fondamental, celui de la prise en compte des tout-petits dans leur intelligence et leur sensibilité.
Dans une chambre d’enfant, ils peuvent aujourd’hui constituer un nid douillet pour peluches et poupées, ou simplement apporter une touche nostalgique dans un décor soigné.
Dimensions
Largeur : 103 cm, hauteur : 80 cm, profondeur : 49 cm.
Référence : [ME072]