Ces deux anciennes cartes postales recréent parfaitement l’ambiance et le décorum dans lesquels la table à énoiser que nous vous proposons ci-dessous connut ses heures de gloire. Pour en entendre le son et en sentir l’odeur, qui restent en son cœur à tout jamais imprimés, rien de tel que de savourer ce poème si joliment composé :
Les Énoiseuses en Périgord
Quand vient l’hiver, chaque soir,
Près du feu, laborieuses,
Se groupent les Énoiseuses.
Dans notre Périgord noir,
Que de bavettes l’on taille !…
Ici, tout haut, là, tout bas…
Et si le marteau travaille
La langue ne chôme pas.
Pan… pan… crac… crac…, la noix
Presque en mesure et, loquace, casse.
Chaque Énoiseuses à son tour
Prend la Parole et raconte
Quelque conte
Ou les nouvelles du jour.
Vers la fin de la Veillée
Si l’Hôtesse est avisée
Elle offre du vin clairet
Sans que personne s’en plaigne
En épluchant la châtaigne.
Quelqu’un entonne un couplet
Et, toutes, sans crier gare,
Prennent en chœur le refrain.
Après quoi l’on se sépare
En se disant à demain.
C’est ainsi que chaque soir
En hiver, laborieuses,
Procèdent les Énoiseuses
Dans notre Périgord noir.
Table à énoiser en mélèze – XIXᵉ siècle – Haute-Loire – [MP051]
Rares sont les pièces de mobilier à ce point façonnées par et pour leur usage. Vous découvrez ici une table à énoiser, l’énoisage consistant à décortiquer à la main des noix préalablement récoltées et séchées. Il faut ici imaginer deux équipes bien distinctes ayant à ce titre des emplacements bien spécifiés. En bordure de table, les casseurs coincent les noix dans les creux pratiqués à cet effet dans l’épaisse planche de mélèze qui constitue le plateau. Avec un maillet en bois nommé la « tricote », ils frappent les noix d’un coup sec et bien dosé pour casser la coquille sans écraser les cerneaux, puis ils les repoussent d’un revers de main vers le centre de la table où la deuxième équipe intervient. Ce sont souvent les femmes qui délicatement dégagent les cerneaux à l’aide de vieux couteaux aux pointes érodées, afin de n’entamer ni les cerneaux ni leurs doigts. C’est ainsi que, nus et chauffés afin d’être ramollis, ces cerneaux seront ensuite broyés sous la meule du moulin pour produire l’huile de noix. Une huile utilisée alors essentiellement comme combustible pour l’éclairage, le fait d’utiliser l’huile de noix en cuisine étant une pratique récente. Ce décorticage manuel des noix a constitué pendant fort longtemps une activité complémentaire pour les familles paysannes des régions occitanes, largement plantées de noyeraies. Cette table à énoiser en mélèze portant aux quatre coins les creux des casseurs de noix, adoucis et approfondis après bien des veillées, constitue une trace comme il en reste fort peu. Cet authentique meuble paysan, provenant des contreforts du Velay, nous offre le témoignage d’une forme d’entraide entre voisins qui se retrouvaient chez l’un chez l’autre pour énoiser ensemble à la veillée, improvisant parfois des petits bals joyeux où l’on dansait en sabots au son de la cabrette et de l’accordéon.
Dimensions :
Longueur : 2 m, Hauteur : 75 cm, Largeur : 82 cm
Référence : [MP051]