Le Fauteuil Coffre à sel
Trône de l’aïeul, Roi du Cantou
S’il y a bien une chose que les seigneurs et les paysans ont eu en commun du Moyen-Âge jusqu’au XIXᵉ siècle, c’est bien l’usage de la cheminée, unique moyen de se chauffer et de cuisiner.
Et si dans les châteaux elles ont atteint des tailles monumentales, dans nombre de fermes, aussi.
C’est ce qu’on a appelé en Occitanie le « cantou », qui signifie le « coin du feu » et par extension le « chez-soi » où il fait bon vivre, le « cœur de la famille ». Dans les fermes du Sud-Ouest de la France et du Cantal, le cantou pouvait avoir la taille d’une petite pièce, où l’essentiel de la vie de la famille prenait place. Nous allons y revenir.
Le cantou désigne aussi le petit banc à deux places ou le fauteuil coffre à une place qui remplissait deux fonctions majeures : conserver le sel au chaud et au sec et permettre d’accueillir sur son séant l’aïeul à qui revenait cette place de choix, au plus près du foyer.
Le fauteuil coffre à sel que nous vous proposons ici a été fabriqué dans une ferme du Quercy, à partir de bois morts glanés dans la forêt puis stockés dans un grenier. C’est pourquoi ce fauteuil est composé de plusieurs essences de bois, représentatives des forêts avoisinantes. La caisse est en châtaignier, les montants en merisier et le dosseret en peuplier.
On peut observer que le dossier est agrémenté de trois barreaux plats chantournés et que les montants sont rehaussés de deux dés sculptés, bien différents l’un de l’autre.
La main du menuisier en meuble, venu sur place à la ferme pour créer ce fauteuil, s’est adaptée aux pièces de bois disponibles, ce qui confère à cette assise d’art populaire toute sa personnalité.
Alors que faisait-on dans ce cantou ?
Pour imaginer la vie que ce meuble a vécu avant nous, replongeons-nous dans le doux crépitement du cantou. Voici ce que l’on faisait auprès de lui :
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La cuisine bio et locale
À l’intérieur de la poutre maîtresse sont suspendus morceaux de lard, jambon, saucisses et saucissons, qui s’y trouveront naturellement fumés. Tenue par la crémaillère, articulée par une potence, la marmite fume en fait toute l’année. La maîtresse de maison y prépare la soupe au gré des saisons, avec les herbes aromatiques et les légumes du potager. Elle l’agrémente d’un peu de lard, d’une carcasse de canard ou d’une mique pétrie de farine, d’œufs et de lardons, le tout poché dans le bouillon. Un pur délice… -
La cendre pour la lessive et l’engrais
Les jours de lessive, la grosse lessiveuse est posée sur un trépied au dessus du feu. La cendre tamisée, placée dans un sac de toile et infusée dans l’eau bouillante, constitue une lessive naturelle. Dans cette préparation maison en ébullition seront plongés et remués draps, torchons et vêtements.
Les cendres servaient aussi d’engrais pour le potager et les cultures vivrières nécessaires pour les hommes et leurs bêtes. La vigne pour le vin, le champ de blé pour le pain, la luzerne pour les lapins, le maïs fourrage pour le bétail, les volailles et le cochon, qu’on régalait aussi de châtaignes et de restes de bouillon. -
L’aspect des flammes pour prédire la météo
Le feu du cantou était aussi un infaillible baromètre pour qui savait le décrypter.
– Si une petite langue bleue s’échappe de la bûche en sifflant, c’est signe de vent.
– Si les bûches pétaradent dans un tourbillon d’étincelles, il s’agit de bien calfeutrer les soupiraux de l’étable, les gelées arrivent à grand pas.
– Si les flammes peinent à s’élever, si la fumée stagne et répand une odeur d’humus et de sous-bois, ce parfum annonce une longue période de pluie et de frimas.
– Même les canicules étaient prévisibles si la cheminée se mettait à sentir fortement la suie, car, de fait, le feu était entretenu toute l’année.
Le cantou, source de joie et de menus plaisirs
Et en plus de cette chaleur vitale prodiguée toute l’année, le cantou est aussi l’endroit des veillées où tous se réunissent, chacun ayant sa mission de prédilection.
Les femmes filent la laine, brodent et tricotent de gros pulls de laine écrue pour toute la famille.
Les hommes polissent un manche d’outil ou fabriquent des paniers avec l’aubier du noisetier ou le feuillard du châtaignier.
Les bébés dans leur berceau babillent au chaud, les enfants assis en cercle autour du foyer écoutent l’aïeul leur conter des histoires peuplées de loup-garou et emplies de sortilèges.
Et lors de ces veillées, parfois on chante et on danse en sabots de bois sur le vieux pisé.
C’est la seule distraction en famille, entre amis ou entre voisins, et elle est fort prisée.
Ainsi le cantou, cœur du foyer, réchauffe, nourrit, nettoie, purifie, ensemence les terres et enchante les veillées, d’un bout à l’autre de l’année.
La survivance des cantous dans les châteaux
Aujourd’hui, c’est essentiellement dans les grandes demeures et les châteaux que l’on peut encore retrouver et faire vivre les cantous comme autrefois. La magie consiste à laisser le feu brûler quasiment toute l’année, en recréant tout autour cette ambiance simple et réconfortante où les bancs et fauteuils coffres à sel, aussi appelés « archabancs » ont toute leur place pour s’asseoir juste à la bonne hauteur au coin du grand feu.
Dimensions
Largeur : 68 cm, hauteur : 101 cm, profondeur : 49 cm.
Référence : [MP029]