Vu l’énorme taille de ces ustensiles, bouilloire, tourtière et broc en cuivre, on croirait assister aux préparatifs du goûter de Gargantua. Un tombereau de thé, un monstre de gâteau et un non moins disproportionné pot à lait.
Dans la vaste cuisine de cette chartreuse, les gens de maison s’affairent avec ce type d’ustensiles pour préparer les repas des maîtres de lieux. Sur trois ou quatre générations, ils vivent tous sous le même toit et sont au minimum chaque jour une bonne vingtaine à table.
En réalité ces rares accessoires en cuivre rouge proviennent d’une riche famille de vignerons, autrefois à la tête d’un cru de renom dans les vignobles du Médoc. Un « Château » comme le veut la dénomination, bien qu’en l’occurrence cette maison de maître se présentait typiquement au XVIIIe siècle comme une chartreuse de plain-pied, abritant des caves voûtées spécialement conçues pour y faire vieillir le bon vin.
Situés chronologiquement entre les aïeux et les nouveaux nés, les hommes en âge de travailler occupent alors plusieurs fonctions. Il y a le régisseur du domaine, le maître de chai, le négociant en vin. Tous vivent et travaillent à demeure. À l’extérieur, battant les campagnes, l’un des fils est médecin, tandis qu’un autre se destine au Barreau et à rejoint l’Ordre des avocats de Bordeaux.
Peinture d’une jeune femme faisant sa toilette réalisée en 1771 par Willem-Joseph Laquy. Collection du Rijksmuseum, Amsterdam, Licence cc-by-sa-4.0
Sur le plan alimentaire, ces familles bourgeoises bénéficiant d’une assise rurale étaient au XVIIIe siècle autosuffisantes, grâce à la fameuse « borderie » ou « closerie » intégrée à la propriété. Regroupant verger, potager et enclos pour les volailles, ces exploitations de 10 à 15 hectares étaient en général bordées de clôtures vives composées de haies d’arbres ou bordées de ganivelles assemblées en vannerie, l’une comme l’autre érigée afin d’éviter saccage et pillage.
Quant aux-dits ustensiles en cuivre rouge, ils ont chacun leur fonction particulière.
- La grosse bouilloire chauffe l’eau pour la cuisine aussi bien que pour le bain de chacun, grâce à sa grande contenance.
- La tourtière permet de faire cuire la fameuse tourte périgourdine. Au creux d’une pâte épaisse de farine de maïs ou de seigle, les gens du cru disposent ce qui se trouve dans tous les fermes, même les plus modestes, et en toute saison. Du lard, des salsifis, des pommes de terre, des topinambours. Les plus fortunés y ajoutent des quartiers de volailles confits. La tourtière une fois refermée est déposée dans l’âtre et recouverte de braises ardentes. La cuisson se fait par le dessus aussi bien que par le dessous, c’est pourquoi on considère la tourtière en cuivre comme l’ancêtre du four.
- Quant à ce grand broc en cuivre, il était utilisé pour mesurer le vin au moment du négoce. Dénommé décalitre, il peut en effet contenir précisément jusqu’à 10 litres de vin. Cette contenance a été attestée par un contrôleur qui a apposé son poinçon sur le haut de ce pichet, validant ainsi sa valeur de mesure.
Bouilloire en cuivre rouge – XVIIIᵉ siècle – Sud Ouest – [MP035]
Dimensions bouilloire :
Hauteur : 56 cm, Largeur du bec à l’anse : 72 cm, Diamètre du contenant : 44 cm.
Référence : [MP035]
Tourtière en cuivre rouge – XVIIIᵉ siècle – Sud Ouest – [MP036]
Dimensions tourtière :
Hauteur avec le couvercle : 24 cm, Largeur avec les poignées : 62 cm, Diamètre : 44 cm
Référence : [MP036]
Broc décalitre en cuivre rouge – XVIIIᵉ siècle – Sud Ouest – [MP037]
Dimensions broc décalitre :
Hauteur : 46 cm, Largeur avec l’anse : 37 cm, Diamètre : 26 cm
Référence : [MP037]