HISTOIRE DU CONFITURIER OU COMMENT LES MŒURS GASTRONOMIQUES INFLUENCENT LE MOBILIER
L’histoire des confituriers épouse, enrobe si vous préférez, celle de l’arrivée du sucre dans les foyers. Nous sommes à la fin du XVIIᵉ siècle et « l’or blanc », jusqu’alors chasse gardée des apothicaires qui le vendent à prix d’or dans leurs officines, arrive enfin chez les épiciers et devient beaucoup plus accessible.
Les confitures qui désignaient jusqu’alors toutes les conserves d’herbes, de fleurs, de fruits et de légumes obtenues en les plongeant dans le miel, le vinaigre et plus rarement donc dans le sucre, vont se développer et intégrer les douceurs qui seront nommées confiseries au XIXᵉ siècle, à savoir les pâtes de fruits, les fruits confits, les massepains et les dragées. Et pour remiser toutes ces « confitures » telles qu’on les appelait alors, il faut un confiturier qui désigne le meuble où l’on pourra les entreposer.
Ce sont les familles fortunées qui, ayant eu accès au sucre les premières, commandèrent les premiers confituriers.
Confiturier bourgeois en noyer blond – XVIIIᵉ – Périgord
Celui que nous vous présentons ici correspond exactement à ce moment de l’histoire du mobilier régional.
En effet, certains atouts notoires le rattache à un commanditaire ayant manifestement réussi à se hisser dans la bourgeoisie du Périgord au cours du XVIIIᵉ siècle, et ce grâce à une activité prospère. On peut l’imaginer à la tête d’un grand domaine agricole ou d’un important moulin, voire même propriétaire de fonderies ou de tanneries, activités alors en plein essor.
Premier indice : l’utilisation de planches de noyer, une essence noble alors réservée aux familles aisées. Ces planches provenaient de leurs propres plantations et étaient remisées sur place pour un séchage complet, qui pouvait durer au bas mot vingt ans.
Deuxième indice : la qualité d’exécution qui surpasse celle d’un meuble de campagne brut.
Ce confiturier n’est pas seulement usuel, il décline avec grâce les styles Louis XIV et Louis XV qui s’y trouvent entremêlés.
- Les moulures rectilignes du tiroir font honneur au style Louis XIV.
- Les traverses de la façade et des côtés, toutes chantournées, introduisent la rondeur et le charme emblématiques du style Louis XV.
- Sur la porte un motif à trois pointes évoque une couronne royale, mise en valeur sur la veine du noyer blond.
- Les pieds de ce meuble en forme de sabots de biche concourent à la délicatesse de sa façon.
Enfin, ce confiturier remplit une fonction d’apparat grâce à ses généreuses proportions qui lui confèrent un aspect cossu et rassurant.