Coffre d'art populaire en châtaignier – XVIIIᵉ siècle – Béarn
Le code secret pour s’introduire dans l’univers spirituel de ce coffre surchargé de messages est assurément le chiffre 6.
Gardez-le en mémoire pour aiguiser votre regard.
Autour de la Croix latine située sous l’entrée de serrure, quatre étoiles à 6 branches illuminent d’emblée la façade. Ce sont des chrismes. Un concept essentiel pour pénétrer l’esprit du faiseur d’images qui a sculpté ce prodigieux meuble d’art populaire au XVIIIᵉ siècle.
Le chrisme est la forme primitive de la croix chrétienne, formée des deux initiales du nom de Jésus Christ en grec. À savoir le Ι et le Χ, les premières lettres de Ιησούς Χριστός qui se prononce Iesous Kristos.
Associant ces deux lettres, le chrisme est un monogramme, en l’occurrence le christogramme, le sceau du Seigneur.
La légende veut que, peu avant sa conversion au christianisme en l’an 312 après J.C., l’empereur païen Constantin Le Grand ait vu « une croix de lumière dans le ciel à midi ». Sur le plan historique, cette rencontre de la Croix avec le Soleil apparaît comme un syncrétisme pagano-chrétien ayant permis à un empereur particulièrement cruel de rallier à ses troupes les adeptes d’un courant religieux alors en plein essor, le christianisme primitif, et d’inventer dans la foulée le concept de moine-soldat pour le moins contradictoire, mais ceci est une autre histoire.
Reprenons pied dans l’inspiration pure et sincère du menuisier en meuble observant ces belles planches de châtaignier grâce auxquelles il va confectionner, à la demande d’un riche paysan du Béarn, ce splendide coffre de mariage. La promise l’emportera le jour de ses noces, empli de son trousseau, draps et effets personnels. Notons au passage, et à l’intérieur dudit coffre, la petite cachette où elle pourra déposer ses bijoux et documents précieux.
Donc, explosant en plein cœur de la façade de ce coffre de mariage, quatre croix à 6 branches évoquent l’avènement de la foi chrétienne en reprenant – et c’est ce qui les rend si importantes – la forme de la croix primitive et ainsi toute sa symbolique.
Une vision en trois dimensions permet en effet d’imaginer le Χ horizontal traversé par le Ι vertical. Le Χ horizontal représente notre existence sur Terre au travers des quatre points cardinaux, alors que le Ι vertical représente le lien entre la Terre et le ciel, l’axe du Monde.
De sorte que les 6 directions du chrisme font naître la sphère qui symbolise tout à la fois le monde terrestre et l’univers tout entier.
Qui plus est, les 6 directions du chrisme évoquent l’Arbre de vie qui s’inscrit dans la sphère. Il plonge ses racines dans la mort pour donner la vie et s’élever dans le ciel.
Quel plus beau présage adressé à de jeunes mariés pour assurer au sein de leur foyer union sacrée et fécondité ?
En complément, pour ne vraiment rien laisser au hasard, ces chrismes sont soutenus et accompagnés par d’autres figures, qui comptent pour autant de vœux supplémentaires de bonheur et de longévité. Regardons-les de plus près.
De part et d’autre de la façade, deux grands soleils sont composés de rayons concentriques serrés pointant en leurs centres deux petits chrismes plus discrets – ce qui en fait 6 avec les quatre précités.
Ces soleils sont entourés de cercles soutenus par quatre Croix latines. Celles-ci sont formées de 6 segments identiques, quatre pour la barre centrale et deux pour la barre transversale. Ces soleils entourés de roues ponctuées de croix symbolisent globalement le renouvellement, l’infini, l’éternel recommencement de la vie.
De plus, les quatre coins de ce panneau central sont ornés de coquilles Saint-Jacques. Elles portent elles aussi un message chrétien bien identifié. Au Moyen-Âge, la coquille est devenue le signe de ralliement des pèlerins de Compostelle, en Galice, cette merveilleuse région côtière du Nord de l’Espagne. Selon le Codex Calixtinus, cette coquille est en effet associée depuis le XIIᵉ siècle au respect des bonnes œuvres. Les deux valves du coquillage représentant les deux préceptes de l’amour, à savoir : aimer Dieu plus que tout et aimer son prochain comme soi-même.
Remarquons également que les montants et les pieds de ce coffre de mariage présentent, de part et d’autre, une colonne de 6 roues à virgules. La roue évoque, comme nous l’avons vu précédemment, le renouvellement, l’éternel passage, le cycle de la recréation perpétuelle. La roue est un symbole lunaire, solaire et cosmique universellement reconnu.
Enfin, les côtés semblent constituer l’apothéose ultime de l’œuvre du menuisier en meuble qui s’est évertué à sculpter au centre des coquilles, situées au quatre coins des panneaux, un remarquable motif de rosaces à 6 branches, motif travaillé en orbevoie de style gothique, clairement inspiré par la splendeur des vitraux des cathédrales.
Au final, aussi bien sur le plan de l’investissement qualitatif que sur celui de l’engagement spirituel, ce coffre d’art populaire arbore une facture tout-à-fait inhabituelle. Il célèbre de façon grandiose et magnifiée, les liens sacrés du mariage.
Référence : [MP027]
Dimensions
Largeur : 139 cm, hauteur : 75 cm, profondeur : 53 cm.
Meuble présenté à titre d’exemple. Merci de contacter David au 06 78 92 61 98 si vous souhaitez qu’il vous propose des pièces similaires.